- CHAPELLE (musique)
- CHAPELLE (musique)CHAPELLE, musiqueLe terme de «chapelle» entre dans la définition d’une série de notions, d’institutions et de fonctions musicales. La longue évolution du mot lui-même, l’évolution surtout des idées, celles de la musique et du cadre social font de cet ensemble un tissu de contradictions et d’incohérences, dans lequel il n’est pas aisé de mettre un peu d’ordre. Les choses se clarifient cependant si l’on suit le fil historique.Le mot lui-même tire son origine de la chape (manteau) de saint Martin, conservé selon la tradition dans l’oratoire privé des rois de France. De cette origine, il tient sa caractéristique de lieu de culte privé, attaché à une institution (chapelle d’un château, chapelle d’un couvent) par opposition à l’église (ecclesia , lieu de l’assemblée), à la cathédrale (siège de l’évêque), et ainsi de suite. Par extension, le mot «chapelle» s’est appliqué, dans le milieu des fonctionnaires, des officiers et des domestiques d’un château, à ceux qui sont attachés au service de la chapelle («chapelain», prêtres, serviteurs laïcs), et particulièrement aux chantres.La chapelle royale remonte, en France, aux origines de la royauté franque: Clovis a déjà des «prêtres domestiques» chargés de chanter dans son oratoire. C’est à Charlemagne, et à Robert le Pieux surtout, qu’on doit l’aménagement de cet office. Sous Charles VII, la chapelle comporte douze prêtres chantres, avec à leur tête Ockeghem. Sous Louis XIII, elle comprend cinquante personnes. Louis XIV lui donne sa plus grande extension, l’augmentant de quatre-vingts chanteurs et musiciens. De François Ier à Louis XIV, le titre de maître de la chapelle royale est honorifique et confié à un prélat, mais c’est le sous-maître qui est le chef effectif de la musique. Ils sont quatre à partir de Louis XIV, par roulement.Les chapelles princières disparaissent peu à peu avec les maisons féodales et le développement de la Cour. «Chapelle» s’oppose ainsi à «maîtrise», comme la chapelle d’un château à l’église paroissiale (la maîtrise est primitivement l’école attachée à une cathédrale ou à un monastère, où l’on accède au grade de maître ès arts). La musique envahit peu à peu le champ des études dans ce type d’institutions qui sont devenues les conservatoires de l’Ancien Régime. Recrutant les enfants des classes populaires et se chargeant de leur éducation en contrepartie de leur participation au chant des offices, les maîtrises sont en France les pépinières des grands musiciens jusqu’à la Révolution qui les abolit: Josquin, Janequin, Lalande, Colasse, Campra en sont issus, et des maîtrises de province, ils ont accédé à la chapelle de Versailles dont ils sont devenus sous-maîtres. Quelques cathédrales (Autun) ont conservé encore aujourd’hui des maîtrises, sous leur forme ancienne d’internat à enseignement musical privilégié. Mais tandis que la chapelle tend en France à se réduire à la seule chapelle royale, le titre de maître de chapelle se répand paradoxalement et s’applique à tout chef de chœur attaché à une église ou à une cathédrale ou placé à la tête d’une... maîtrise. C’est en ce sens qu’il est employé aujourd’hui.En Allemagne, l’évolution s’est faite tout autrement, en raison d’institutions et d’une vie musicale différentes. Kapell ou Capell y désigne bien, à l’origine, la musique privée d’un prince. Mais, tandis qu’en France la distinction reste très nette entre la musique «de la chapelle» et celle «de la chambre» ou «de l’écurie» dont les personnels n’interfèrent jamais, elle s’efface en Allemagne. Kapellmeister est le chef d’une musique princière, qu’elle soit à destination religieuse ou profane. Suivant l’obédience religieuse du prince, elle est l’une ou l’autre, ou les deux: religieuse à Weimar (le duc est luthérien orthodoxe, d’où un culte musical développé); profane à Coethen (le prince est calviniste: pas de musique à la chapelle). En outre, à partir du XVIe siècle surtout, les villes libres d’Allemagne s’attachent, à l’imitation des princes régnants, des musiciens: le musicien de ville est un personnage caractéristique, sans équivalent en France (sonneur de cloche, guetteur au beffroi, il joue plusieurs fois par jour sur la tour, à l’église le dimanche et les jours de fête, voire en fond sonore aux jours de marché). Si l’orchestre de ville prend quelque importance, il prend le nom de Capell et son chef le titre de Kapellmeister . Toutes les caractéristiques originelles de la chapelle ont alors disparu: elle n’est plus ni privée ni religieuse. Au XIXe siècle, le mot devient pratiquement synonyme d’orchestre, et Kapellmeister de celui de chef d’orchestre. Quant au maître de chapelle français, c’est le mot Cantor qui en est l’équivalent allemand: il est, lui aussi, attaché à une maîtrise; ainsi J.-S. Bach est à Leipzig à la fois le maître de musique de l’école attachée à l’église Saint-Thomas, le chef de chœur et le directeur musical de la paroisse.Musicalement, l’évolution du mot «chapelle» a entraîné d’autres définitions incohérentes. Durant le Moyen Âge, la musique religieuse est essentiellement vocale. L’expression «musique a capella» désigne ainsi une musique vocale polyphonique sans aucun accompagnement (même par l’orgue), et s’oppose à «musique instrumentale». Mais d’autre part, lorsqu’au XVIIe siècle se développe le goût baroque de la musique à double chœur, capella désigne l’ensemble des musiciens (chanteurs et instrumentistes) par opposition au petit groupe des solistes: il est donc dans ce cas synonyme de tutti ou de ripieni dans une œuvre religieuse, et s’oppose au coro concertato . L’évolution va même si loin en ce sens que l’idée de musique vocale peut totalement disparaître: on trouve chez Praetorius l’expression capella fidicinia pour désigner... un orchestre à cordes!
Encyclopédie Universelle. 2012.